Je suis hétéro, le mariage n’a jamais été une priorité pour moi, je n’en ai jamais rêvé. Je ne me suis jamais vue en robe blanche, encore moins avec un bouquet de fleurs, dire « oui » à Sébastien alors que ça fait 18 ans qu’on est ensemble et qu’on s’est encore dit récemment qu’on avait hâte d’être des petits vieux ensemble. Ni lui ni moi ne voulons d’enfant. Nous n’avons pas de projet immédiatement d’achat d’un appartement ou d’une maison. Nous n’avons vraiment aucune raison objective de nous marier, notre situation actuelle nous convient parfaitement.
Pourtant, samedi, j’irai manifester à Bordeaux pour le mariage pour tous, pour l’égalité des droits et pour prouver aux gens qui pensent qu’ « un papa, une maman, y’a pas mieux pour un enfant » qu’ils ne sont pas majoritaires, loin de là.
Cet idéal de la famille hétérosexuelle a fait plus de dégâts qu’elle n’a apporté de réconfort et de sécurité au fil des générations. On ne peut pas toujours savoir à quoi notre vie va ressembler. On ne peut pas tous suivre les voies toutes tracées de ces couples qui se marient à 20 ans, qui font deux enfants avant de souffler leurs 30 bougies, ont de préférence un garçon et une fille, et qui restent ensemble jusqu’à la mort, comblés d’amour.
Ces familles, j’ai presque envie de dire qu’elles n’existent pas. À la télé, peut-être, mais pas dans la vraie vie ! Dans la vraie vie, il y a des couples qui se marient par amour, d’autres par convention, des couples qui ne s’aiment qu’un temps seulement, des couples qui restent ensemble « pour les enfants », mais qui ne se parlent plus ou se détestent en silence et font au final plus de dégâts qu’un divorce. Il y a des couples que la mort sépare. Il y a des pères et des mères qui prennent la poudre d’escampette. Il y a des couples en apparence bien sous tous rapports qui cachent violences verbales, violences physiques et inceste. Il y a des familles unies dont les enfants sont profondément malheureux, prennent de la drogue et finiront en taule ou à la morgue. Il y a des enfants à qui l’on ment depuis qu’ils sont nés « pour les protéger » et qui, découvrant la vérité, doivent se reconstruire. Il n’y a pas de famille idéale, il n’y a que des familles qui font ce qu’elles peuvent.
Le fait d’être élevé par un papa et une maman ne garantit pas d’être équilibré et bien dans ses baskets. Ça se saurait si c’était le cas. L’être humain est bien trop complexe pour être réduit à une équation « papa+maman=tout va bien ».
Il me semble qu’un enfant ne se construit pas seulement grâce à ses parents, il se construit avec et contre eux (surtout à l’adolescence), il se construit avec l’entourage des parents, leurs amis, leurs familles, les autres enfants autour d’eux, l’école. Un enfant se construit aussi tout seul, mais ça, de nombreux parents ne sont pas prêts à l’accepter… Avoir peur qu’un enfant connaisse le manque de « l’amour maternel » en étant élevé par deux hommes ou dire que l’absence de « figure paternelle » est un danger, c’est se tromper complètement sur ce qui permet à un enfant de grandir sereinement. Un enfant a surtout besoin d’être aimé et respecté.
Ils me font rire avec leurs histoires de « complémentarité » et « d’équilibre des pouvoirs » qui disparaîtraient si un couple de parents homosexuels élevaient des enfants. Ils veulent vraiment nous faire croire que deux papas ne peuvent pas apporter assez d’amour et que deux mamans en apporteraient trop ? Bonjour les clichés sexistes. Dans leur esprit bien à l’étroit, il existe tellement de différences entre un homme et une femme qu’il leur est tout simplement impensable qu’un homme puisse être aussi aimant qu’une femme ou qu’une femme puisse faire preuve d’autorité sur un enfant. Je trouve ça d’une tristesse absolue. Pour moi, il y a autant de différences entre un homme et une femme qu’entre deux hommes ou deux femmes. Nous sommes tous des individus uniques, avec nos différences propres. Arrêtons un peu de penser que les hommes et les femmes viennent de deux planètes différentes, le monde s’en portera mieux… Et sera plus en phase avec la réalité.
Samedi, à 14h, je serai donc Place de la Comédie à Bordeaux pour manifester. Et j’espère que nous serons nombreux dans ce cas-là.