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Boring life de tous les jours

Nous avons eu de très belles journées à Bordeaux, j’ai mangé deux fois en terrasse le midi et j’ai savouré chaque minute passée à lire mon bouquin au soleil avec une simple veste de printemps sur le dos. Il va de nouveau faire froid dans les prochains jours, mais je suis prête. J’ai fait le plein de chaleur.

De toute façon, je m’en fous, dans un mois je serai au Panama à me la couler douce avec ma copine Itza. J’ai acheté deux maillots de bain, j’ai fait le tri dans mes affaires d’été pour ne sélectionner que les vêtements les plus légers et rien que ça, ça me fait du bien, je me vois déjà en vacances. Sur la plage, un mojito à la main, en train de manger des mangues. Des mangues putain. Je ne crois pas avoir jamais plus envie de mangues qu’en ce moment.

J’ai lu le Bonheur conjugal, de Tahar Ben Jelloun et j’ai enchaîné avec Désolations, de David Vann. Deux livres qui parlent de couples qui se déchirent, d’histoires d’amour qui se désintègrent, de malentendus et de tromperies insupportables. Le week-end dernier j’ai vu Amour, de Michael Haneke. Il va absolument falloir que je lise un truc léger,  une histoire d’amour qui finisse bien, sans personne qui tombe malade, qui meurt, ou qui se suicide. Parce que là, c’est plus possible.

Côté séries, la saison 5 de Southland vient de reprendre et c’est toujours le meilleur copshow à l’antenne. Les nouveautés de la mi-saison ne font pas très envie. Do no harm n’a aucun intérêt, Zero Hour est tout bonnement ridicule, je me suis endormie au bout de 10 minutes de Cult et j’ai détesté The Following, même si apparemment ça s’améliore un peu par la suite. Si j’ai une nouvelle série à conseiller, c’est Banshee. Bon, c’est pas très fin. C’est même carrément brutal et primaire. Y’a de la violence et du sexe en proportion inquiétante et très graphique, mais c’est extrêmement jouissif, en tout cas de mon point de vue. Et il se pourrait que j’aie un problème.

Il reste des valeurs sûres : Enlightened et Girls. Je n’aurais jamais cru pouvoir aimer Girls un jour, mais cette deuxième saison est bien meilleure que la première, plus maîtrisée. Spartacus se débrouille plutôt pas mal avec l’arrivée de César et le nouveau grand méchant Crésus. Bon, comme c’est Spartacus, Crésus est un dieu du krav maga et César ressemble à Jax de Sons of Anarchy, mais bon… Je ne vais pas me plaindre.

Côté roller derby, ça envoie du steak. J’ai des bleus partout, je ne peux dormir ni sur le côté droit, ni sur le côté gauche en raison d’hématomes douloureux sous les hanches. Mais c’est cool, je m’amuse toujours autant.

Le dimanche matin, quand il fait beau, Seb et moi allons patiner au bord de la Garonne et je crois que rien ne me fait plus plaisir.

Un dimanche matin sur patins

Dimanche matin, c’est patins


Sukkwan Island

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J’ai fait une pause dans la saga Bellefleur de Joyce Carol Oates pour lire Sukkwan Island de David Vann, recommandé par un certain Mr T. qui m’avait prévenue de la noirceur de cette lecture !

Comme je suis un peu masochiste, je me suis lancée et je l’ai quasiment lu d’une traite. Maintenant, il me faudra quelques jours pour m’en remettre.

Il est difficile d’en parler sans trop en révéler et ceux qui voudront le lire s’arrêteront tout de suite, mais j’ai envie de dire que j’ai été tellement choquée par l’événement clé de ce roman (p. 113) que j’ai dû relire le paragraphe qui le décrit une bonne dizaine de fois. Je n’arrivais pas comprendre, mon esprit refusait d’accepter ce qui était arrivé.

Sukkwan Island raconte l’histoire d’un père qui décide de se rapprocher de son fils de 13 ans en partant s’installer avec lui un an sur une petite île isolée de l’Alaska. L’ambiance est très étouffante dès les premières pages, parce que la nature y est hostile et qu’on se demande ce qui va bien pouvoir leur arriver, mais très vite on se rend compte que le pire des dangers réside dans l’âme tourmentée du père qui n’est pas à la hauteur et qui le sait.

Cet homme a gâché sa vie en se mariant à une femme qu’il n’aimait pas et qui ne l’aimait pas, qu’il a trompée, puis en se remariant à une autre femme qui n’aura pas réussi à le sauver de lui-même non plus. Son narcissisme et son obsession pour les conquêtes féminines l’ont empêché d’être un bon père et un bon mari, et en ont fait un homme dépressif et malade.

C’est sur les épaules de son fils de 13 ans que retombe la responsabilité du « mieux aller » de son père, responsabilité qu’il comprend très vite, comme beaucoup d’enfants je le pense. C’est lui qui porte son père, symboliquement et littéralement.

On a envie de lui dire de partir, vite, loin et de ne jamais repenser à son père, mais quand il décide de rester de peur de l’abandonner à un suicide certain, on le comprend. C’est là tout le talent de l’auteur, réussir à nous faire entrer dans la tête de ces deux personnages et à nous faire comprendre ce qui les traverse, alors qu’eux-mêmes ont du mal à mettre un mot sur leurs états d’âme.

L’écriture rapide, vive et sans dialogue m’a énormément plu. La description de la nature hostile qui les entoure est très convaincante et cette plongée dans l’âme humaine est peut-être glaçante, mais elle m’a parlé. Je recommande à mon tour vivement cette lecture.


Polar islandais

Layout 1J’ai acheté Hypothermie un peu par hasard dans un Relais d’aéroport avant de prendre un avion, il y a deux ans.  J’ai tout d’abord été déconcertée par le style très particulier d’Arnaldur Indridason, je ne savais pas si je lisais un polar ou un roman existentiel sur le suicide. D’ailleurs, je ne sais toujours pas, mais après avoir lu d’autres romans du même auteur, je classe cet auteur islandais parmi mes petits chouchous de la littérature policière.

Le héros d’Arnaldur Indridason, le détective Erlendur Sveinsson, est un homme solitaire aux abords rêches à qui il est difficile de s’attacher. Très mauvais père, mauvais (ex)-mari, incapable de tisser des liens avec ses collègues, Erlendur est un détective hors pair. Il est devenu au fil des romans de cette série l’un de mes personnages de polar préférés. Ce ne sont pas les enquêtes qui sont les plus prenantes, mais la façon dont Arnaldur laisse entrevoir la vie de ses personnages principaux et des victimes, suspects ou coupables de ses romans. Et la manière dont il arrive à décrire la vie islandaise. À chaque fois que je lis un de ses romans, je revois les paysages lunaires de cette île si particulière et son atmosphère en apparence si paisible.

J’ai récemment fini La Rivière noire, qui met en scène l’une des collègues d’Erlendur, Elinborg. J’ai été étonnée par la justesse avec laquelle Arnaldur Indridason est capable d’écrire un personnage féminin aussi différent d’Erlendur. Elinborg n’a pas grand-chose à voir avec son mentor, si ce n’est le goût du détail et de la précision. Elle aime son compagnon et ses enfants, mais assiste, impuissante, à l’éloignement de son fils aîné, adolescent en guerre contre elle. Dans ce livre, sa persévérance et son flair (littéralement…) lui permettent de résoudre une sinistre affaire de meurtre et de viol.

Si vous aimez les polars et que vous avez envie de vous laisser porter par une description sans concession de la vie islandaise, de la vie moderne en général, et si la mélancolie d’Erlendur Sveinsson ne vous rebute pas, achetez vite n’importe lequel de ses romans, vous ne le regretterez pas.


Bilan 2012

Bye 2012

L’année 2012 aura été plutôt positive pour moi, espérons que 2013 poursuive dans la même voie.

Année 2012 sous le signe du roller derby : j‘ai commencé mon entraînement le 17 janvier 2012 et le 13 avril, je validais mes minimum skills. Ce fut une expérience mémorable qui m’a appris que je n’étais pas trop vieille pour partir à l’aventure (manquerait plus que ça) et que j’étais plus persévérante que je ne l’imaginais. J’ai fait la connaissance de filles géniales qui me manquent aujourd’hui énormément (surtout quand j’ai envie de me faire un pub et de descendre quelques pintes sans avoir peur d’être regardée de travers). Mais la vie est faite de rencontres et même si elles n’aboutissent pas toujours à des amitiés durables, ces rencontres vous changent, vous marquent et, j’en suis convaincue, permettent de mieux vous connaître.

J’ai appris que malgré des années à avoir regardé le sport de travers, je répondais positivement aux effets de ce dernier. Je me sens mieux dans ma peau, j’ai davantage confiance en moi et je suis particulièrement fière de mes cuisses en béton armé et du niveau de patinage que j’ai atteint aujourd’hui.

En 2012 j’ai regardé l’intégrale d’Urgences, j’ai découvert Avatar: the last airbender, Teen Wolf et Treme : que du bonheur. Même si mon enthousiasme pour les séries diminue un peu avec les années, je ne pourrais pas me passer de mes sitcoms, dramas, comédies, feuilletons au quotidien. Je suis contente d’avoir résisté à la tentation de brancher la télé à notre box Numéricable ou à une quelconque prise d’antenne. Deux minutes de pub sur TF1 Replay et j’ai des envies de meurtre. Mais privez-moi de mes rires enregistrés, de mes génériques préférés et de mes « previously on… », et je risque de sombrer dans la dépression.

En 2012, je ne suis pas beaucoup allée au cinéma et je ne le regrette pas. En revanche, j’aimerais bien assister plus souvent à des concerts ou aller plus au théâtre en 2013. Il  va falloir que je regarde de plus près la programmation bordelaise en la matière.

En 2012, j’ai arrêté de me teindre les cheveux pour laisser mes nombreux cheveux blancs pousser en liberté. Ma dernière couleur remonte à mai et aujourd’hui il me reste encore quelques mois à patienter avoir de la voir entièrement disparaître. Je n’ai pas eu  droit à des réflexions désagréables et les deux coiffeurs à qui j’ai fait couper mes cheveux m’ont carrément encouragé dans cette voie, alors que je m’attendais à les voir essayer de me convaincre de faire « au moins des balayages ». Je suis très contente de cette décision, j’économise à la fois du temps et de l’argent.

Je n’ai pas beaucoup voyagé en 2012. Le fait d’avoir seulement pris douze petits jours de vacances en avril n’a pas beaucoup aidé, mais je compte me rattraper en 2013. Pas de destination exotique au programme, j’ai décidé de rester dans l’hexagone et de limiter au maximum mes déplacements en avion. Ce n’est pas une question écologique (même si ça rentre en compte), c’est surtout que les aéroports me tapent sur le système et que je suis plus heureuse à bouquiner dans un train, même bondé, que dans une salle d’embarquement à faire la queue. Le seul problème c’est que Sébastien risque de ne pas pouvoir prendre des vacances avant un moment, donc il faut que je me trouve des endroits sympas à visiter toute seule. J’ai bien envie d’aller voir une vieille amie en Bretagne, mais pour cela il faudra que j’aie une voiture : j’aime le train, mais pas au point de vouloir faire Bordeaux-Paris puis Paris-Brest. Non monsieur.
J’espère pouvoir aller faire du ski du fond dans les Pyrénées, me la couler douce en Corse,  manger de la truffade à Salers et faire de la voile dans le Finistère. Et aussi, prendre du temps pour accueillir comme il le se doit tous les amis qui voudront bien venir nous rendre visite à Bordeaux.

En 2012 j’ai lu plus de livres qu’en 2011 et j’espère bien, moins qu’en 2013. Mon livre préféré cette année : Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? de Jeanette Winterson.

L’année 2012 fut l’année du changement, pour moi comme pour mon frangin et pas mal de gens autour de moi. Il y a eu des déménagements, des bébés (j’ai un neveu !), mais aussi malheureusement des décès et des séparations… J’espère que 2013 sera l’année de la reconstruction pour eux.

Mes valises sont faites, les cadeaux n’attendent plus qu’à être emballés, demain je me lance dans un périple famille-famille-amis qui va sans aucun doute me donner envie de prendre d’autres vacances dès le 2 janvier, mais je compte en profiter autant que possible, et je ne parle pas uniquement de la NOURRITURE (bordel ça fait du bien d’être de retour en France quand même).


Reflets dans un oeil d’homme

J’aime beaucoup Nancy Huston. J’ai lu un grand nombre de ses romans ; Dolce Agonia et Lignes de faille font partie de mes préférés. J’ai été ravie d’apprendre qu’elle avait écrit un manifeste féministe, Reflets dans un oeil d’homme, je l’ai donc acheté lors de mon week-end à Bordeaux et lu la semaine dernière.

Je ne pensais vraiment pas qu’elle allait m’énerver à ce point.

Comment peut-on écrire des romans aussi féministes et s’enfermer à ce point dans un déterminisme d’un autre âge ?

Nancy Huston veut dénoncer la prépondérance de la théorie « de genre » dans la société actuelle, qu’elle considère comme absurde. Elle lui fait porter tous les maux de la terre phallocrate, mais le problème c’est qu’elle n’a pas l’air d’avoir compris en quoi consistait la théorie du genre. Elle pense qu’il s’agit de nier les différences biologiques, or ce n’est pas le cas. La théorie du genre invite à réfléchir à la façon dont les différences biologiques sont interprétées par la société et utilisées pour créer des inégalités.

Si l’on enferme encore, à l’heure actuelle, les femmes dans un rôle maternel, « passif » et les hommes dans un rôle conquérant, « viril », ce n’est pas seulement parce que la femme porte l’enfant et l’homme non. Nancy Huston a beau marteler tout au long de son livre que « l’anatomie, c’est le destin », je refuse de considérer l’être humain actuel comme un primate à peine évolué qui répond à des stimuli primaires de désir de fécondation. Oui, j’admets qu’éros et thanatos jouent un rôle important dans notre inconscient et que nous agissons parfois sur des pulsions de vie et de mort difficilement contrôlables, mais ils ne gouvernent pas notre vie. Elle oublie (volontairement ?) de parler d’homosexualité, de transsexualité et d’orientation sexuelle. Elle ne fait que survoler cette question  dans un tout petit passage, dans lequel elle affirme que les gays ne font qu' »[adopter] une version exacerbée de tant de comportements des hommes [et des femmes] hétérosexuels ». C’est un peu facile quand on passe 300 pages à expliquer que tous les hommes et toutes les femmes répondent à des impératifs biologiques de reproduction.

Des facilités, il y en a un paquet dans ce livre. Celle que je déplore le plus, c’est le recours aux interviews de ses amis peintres et musiciens. Ah, les amis. C’est sympa de vouloir les faire participer à son bouquin, mais franchement, pour la pertinence, on repassera. « Regardez, les hommes pensent comme ça, j’en ai trouvé 3 autour de moi qui disent la même chose ! ». Et les voilà qui déblatèrent sur le nu dans la peinture et sur la pornographie pendant des pages. Ce n’est pas complètement inintéressant, mais franchement, je ne vois pas en quoi je devrais prendre ce qu’ils disent comme une preuve que si l’homme regarde la femme, c’est parce qu’il veut lui faire des bébés.

L’intégralité de son livre se base sur son expérience de femme hétérosexuelle (et très belle, il faut le dire, même elle refuse de se qualifier comme telle), ce qui est incroyablement réducteur. Elle revient sur les différentes étapes de sa vie, enfant, adolescente, jeune femme, jeune mère, femme vieillissante, femme ménopausée. Ça aurait pu être intéressant si ça avait fait partie d’un roman, mais dans un manifeste, c’est beaucoup trop réducteur. Elle veut parler de toutes les femmes, mais au fond, elle ne parle que d’elle, de son expérience de femme hétérosexuelle désirable et désirée.

Pourtant, il y a des chapitres intéressants dans Reflets dans un oeil d’homme. J’ai par exemple beaucoup aimé celui consacré à la prostitution et le fait que tout au long de son livre, Nancy Huston parle beaucoup de Nelly Arcan, une écrivaine canadienne qui s’est prostituée et a écrit à ce sujet. Elle pose plusieurs problématiques importantes, mais sous-entend que les féministes ne sont pas prêtes à l’entendre, ce qui, je pense, est faux. La prostitution fait débat dans le féminisme, mais je suis pour ma part en désaccord total avec la vision libertaire d’Elisabeth Badinter, et du côté des abolitionnistes. Je rejoins Nancy Huston quand elle dénonce le fait que tout le monde est d’accord pour dire que c’est le plus vieux métier du monde et qu’il existera toujours, qu’il est un « mal » nécessaire, mais qu’en même temps, personne ne souhaite que ses enfants se prostituent. Il y a là une hypocrisie qu’il faut dénoncer. Sans oublier que les femmes qui se prostituent ont très souvent connu des abus sexuels pendant leur enfance, et que de nombreux hommes payent des prostituées qui ont l’âge de leurs propres filles. Il y a dans la prostitution des relents d’inceste dont personne ne veut parler, mais qui pourtant, existent.

Alors oui, Nancy Huston dit des choses intéressantes sur la prostitution, mais c’est bien peu sur un bouquin de 300 pages… Et surtout, les généralités et les raccourcis sont trop nombreux pour en faire un livre sérieux. C’est tout le contraire de Beauté fatale, de Mona Chollet.

Soit on parle de son expérience et on évite les généralisations, soit on parle du féminin et du masculin et on appuie ses réflexions d’arguments. Or, d’argument qui tienne la route, il y en a bien peu…


Arnold et Rose

Arnold est un petit garçon obéissant qui veut à tout prix faire la fierté de son père et qui pour cela, obéit aux règles. Rose est une enfant rebelle laissée à elle-même. Dans la France rurale d’avant-guerre, ils font connaissance, deviennent amis et partagent leurs rêves. Arnold veut devenir écrivain, Rose ne sait pas trop ce qu’elle aimerait fait, elle veut seulement « se passionner pour quelque chose ». Cette BD raconte leur histoire avec une poésie et une délicatesse incroyables.

Je suis tombée sous le charme du trait épuré de Gabrielle Piquet et du découpage unique de ses pages. Il n’y a pas de case, rien que des pages blanches sur lesquelles se croisent et se mélangent des dessins aux traits épurés et des mots. J’ai trouvé magnifique cette façon de mettre en avant les regards et les expressions de visage alors qu’elle simplifie ces visages à l’extrême, un peu à la façon de Comès. Je ne voudrais pas faire de comparaison inappropriée, je suis loin d’être une spécialiste de la BD, mais j’ai beaucoup pensé à Silence en lisant Arnold et Rose. Ces regards bon sang, ces regards !

C’est une histoire très romancée, mais universelle. Elle parle avec une poésie infinie de la rigidité du monde adulte, des désillusions, de la peur, de la colère, et de l’espoir. Je crois que j’ai lu chaque page en me disant intérieurement « purée, mais c’est magnifique, non mais c’est magnifique, et surtout tellement juste ! » et ce n’est pas si souvent que ça arrive.

Je pense qu’Arnold et Rose est un très  beau cadeau à faire à quelqu’un qui aime la poésie et la BD. Et je ne tarderai pas à lire Les enfants de l’envie, la BD précédente de cette auteure. Je recommande chaudement !


Polar or not polar

Je suis donc en train de regarder la saison 2 de Southland et je me rends compte à quel point il me manquait une bonne série policière dans mon planning séries télé. Et je dis ça alors que je m’enquille polar après polar depuis plusieurs années. Je dois avoir un problème.

Pendant mon adolescence et mes années de fac, j’ai lu beaucoup de fantasy, les grands classiques, Jack Vance, Marion Zimmer Bradley of course (aaah, Ténébreuse), Moorcock, Zelazny (les Princes d’Ambre, génial), mais le dernier bouquin de fantasy que j’aie lu remonte au Trône de Fer et encore, je n’ai pas eu le courage de lire le dernier tome sorti.

J’ai peu lu entre la fin de la fac et mes premières années de boulot à Paris. Je regardais trop de séries télé à l’époque pour ça. Ah oui et je jouais trop aux MMORPG aussi.

Je me suis mise au polar un peu par hasard. Je crois que c’est mon ami Jérôme qui m’a le premier parlé de Dennis Lehane et de la série des Kenzie-Gennaro. J’ai acheté Un Dernier verre avant la guerre et j’ai tellement adoré que j’ai lu tout ce qui a suivi. Puis j’ai enchaîné avec Thierry Jonquet, dont j’ai tout lu également, un peu de Fred Vargas, beaucoup de Pete Dexter, de Thomas H. Cook, quelques polars nordiques d’Arnaldur Indridason en passant par la série des Martin Beck de Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Bref, j’ai l’impression d’avoir lu beaucoup de polars, tout en ayant bien conscience que je suis loin, très loin d’avoir lu les classiques, les « cultes ».

Rien ne me faisait plus tripper que de voir le nom de Dennis Lehane ou de George Pelecanos au générique de la série The Wire.

Je crois que si j’aime autant les polars, c’est parce qu’ils parlent de la société telle que je la vois et telle qu’elle me touche. Des personnages brisés qui peuvent parfois être de vrais salauds et de faux héros, des histoires de survie ou de plongeon dans l’auto-destruction et toujours des questions existentielles au milieu de l’absurdité de la vie. Oui, le polar est humaniste, contrairement à ce qu’on pourrait croire.

Alors je suis bien contente d’avoir Southland (série humaniste elle aussi, d’ailleurs) dans ma vie. Mes séries actuelles manquent cruellement de courses-poursuites et de flics dépressifs. Et puisque je me rends bien compte d’être un peu monomaniaque, je vais de ce pas avancer dans ma lecture de Nécropolis, d’Herbert Lieberman, réédité récemment dans le superbe format Points Deux.

Nécropolis, c’est l’histoire d’un médecin légiste de génie obsédé par son travail qui se retrouve à enquêter sur la disparition de sa fille. Alors ce n’est pas le polar le plus facile d’accès, certaines descriptions hyper réalistes des scènes de crime et autres dissections ont mis un moment à me sortir de la tête, mais bon sang quelle virtuosité dans la création du personnage de Konig, le médecin légiste, et dans la description d’un New York des années 70 qui pourrait très bien être celle d’un New York à notre époque. C’est vraiment un grand roman policier, je me régale.


Insupportable légèreté

J’ai fini le livre autobiographique de Portia de Rossi, Unbearable lightness. L’actrice, qui est devenue célèbre pour avoir joué l’avocate Nelle Porter dans Ally McBeal, y raconte son combat contre l’anorexie tout au long du tournage de la série, entre 1998 et 2002. Au moment où elle se fait hospitaliser d’urgence en 2002, Portia de Rossi pèse 82 pounds, soit environ 40 kilos, alors qu’elle fait 1m70. Elle fait de l’ostéoporose, est à la limite de la cirrhose et à deux doigts d’une défaillance viscérale.

Elle n’a pas encore 30 ans, mais elle a déjà passé la moitié de sa vie à se préoccuper de son poids. Mannequin à 12 ans, elle a pris l’habitude de faire des régimes stricts avant un défilé pour perdre quelques kilos qu’elle considère en trop, avant de les reprendre de plus belle quelques temps après. Elle a toujours l’impression qu’il y a d’autres filles plus jeunes et plus minces qu’elles pour lui prendre la vedette. Et quand elle décroche le rôle de la nouvelle avocate sexy d’Ally McBeal, elle est persuadée que son créateur, David E. Kelley, ne tardera pas à se rendre compte qu’elle n’est pas à la hauteur, c’est-à-dire pas assez sexy et pas assez mince.

Elle raconte comment, sur l’immense plateau de tournage construit spécialement pour la série à Los Angeles, il n’existe aucun endroit pour s’isoler, pour lire à l’ombre d’un arbre ou pour se retrouver avec ses collègues. Elle raconte qu’on lui fait rapidement comprendre que personne ne déjeune en groupe, que chacun s’enferme dans sa loge en attendant de tourner sa scène. Elle raconte comment son personnage évolue d’avocate froide et professionnelle à femme qui se déshabille pour son patron, John Cage. Elle raconte comment cette scène en sous-vêtements l’a angoissée pendant des semaines, comment les représentants de L’Oréal l’ont humiliée parce qu’elle ne rentrait pas dans les vêtements choisis pour le tournage d’une publicité pour la marque, elle raconte la peur que l’on découvre qu’elle est lesbienne, la peur de ne pas passer pour une vraie actrice, une vraie star qui porte des robes de créateur et dévoile ses « secrets de beauté ».

Elle parle de son obsession pour les calories absorbées et brûlées, pour l’exercice physique comme seul moyen d’évacuer les quelques centaines de calories qu’elle s’autorise chaque jour. Elle ne mange qu’avec des baguettes, pour pouvoir contrôler ses portions. Elle part en tournage avec des valises d’édulcorant et de faux beurre qu’elle mélange à du thon. Elle ne peut partager sa vie avec personne, non seulement parce qu’elle ne veut pas que les paparazzi découvrent qu’elle est homosexuelle, mais aussi parce qu’elle ne supporterait pas de devoir partager son frigo et les placards de sa cuisine. Elle parle de cette voix d’homme qui la rabaisse dans sa tête, qui la traite de fainéante et qui lui dit qu’elle n’a aucune volonté.

Elle raconte comment, après un vol Los Angeles-Sydney, pendant lequel elle n’a rien mangé, une hôtesse de l’air vient lui confier à quel point elle la trouve courageuse et à quel point elle l’admire pour ça. Elle raconte comment, alors qu’elle est en larmes dans le parking du Four Seasons parce que l’essayage pour L’Oréal s’est mal passé, son agent lui explique que quand même, elle a de « grosses cuisses ».

Elle s’enferme chez elle et passe des heures sur son tapis roulant, s’endort en sentant ses os et se réveille en comptant le nombre de calories qu’elle a mangé la veille. Elle fait même des cauchemars dans lesquels elle boit du coca (pas light) qui la réveillent en pleine nuit.

Elle n’entend pas ses amis et sa famille s’inquiéter pour elle, elle se voit toujours grosse, pire que tout, ordinaire.

Il faudra plus de 4 ans d’isolation et d’anorexie sévère pour qu’elle se rende compte de la véritable raison de sa maladie : la haine d’elle-même. Elle hait le fait d’être lesbienne, hait le fait d’avoir perdu son père jeune, hait le fait que sa mère refuse de parler de son homosexualité à sa famille, hait le fait de vivre. Elle cherche à disparaître.

Au moment d’écrire ce livre, en 2010, elle est mariée à Ellen DeGeneres, célèbre présentatrice et comédienne américaine, elle ne s’aime pas toujours entièrement, mais elle se sent mieux. Elle a abandonné les salles de gym et les tapis roulants pour l’équitation et les promenades le long de la plage. Elle ne pense plus à ce qu’elle mange ou du moins, elle ne pense plus en terme de « bonne » et de « mauvaise » nourriture. Elle apprend à s’aimer et à aimer son corps, et encourage toutes les femmes à se libérer de la pression quotidienne d’être mince, jeune, sexy.

Unbearable lightness est un roman autobiographique très bien écrit, très honnête, pas du tout complaisant. Il décrit parfaitement de quelle façon l’enchaînement des régimes peut conduire à de graves problèmes de conduites alimentaires et comment cette pratique est encouragée par la société, qui félicite la perte de poids (à n’importe quel prix) et confond « santé » et « minceur ». C’est aussi un roman sur l’acceptation de soi et l’importance de se sentir aimé. Je ne suis pas fan des romans autobiographiques, mais j’ai lu celui-là avec beaucoup de plaisir.


Saga

Après s’être un peu perdu dans Lost, Brian K. Vaughan a retrouvé le chemin des comics et s’allie avec Fiona Staples pour écrire Saga.

Brian K. Vaughan est un auteur que j’aime énormément depuis Y: The Last man, bien sûr. J’ai également beaucoup aimé ses séries Ex Machina et The Pride of Baghdad, et j’ai dévoré tout ce qu’il a écrit sur les Runaways. C’est un scénariste qui, comme Joss Whedon, sait écrire des personnages féminins forts et indépendants, loin des clichés habituels. Gertrude Yorkes, de Runaways, et l’agent 355, de Y: The Last man, sont parmi mes personnages féminins de fiction préférés.

Forcément, quand j’ai vu la couverture de ce comics, je n’ai pas pu résister. On a beau dire, ce n’est pas souvent que l’on voit un personnage féminin aussi dure à cuire en couverture, allaitant un bébé d’une main et tenant un flingue de l’autre.

Saga ne m’a pas déçu : ce premier chapitre est une excellente présentation d’un monde assez unique qui mélange science-fiction et magie, un monde en guerre au milieu duquel une petite fille née d’une union interdite. C’est elle qui raconte l’histoire de ses parents, cette femme ailée et cet homme à cornes qui cherchent à fuir le conflit qui oppose leurs deux races depuis des siècles.

C’est drôle, c’est bizarre (les robots humanoïdes font froid dans le dos), c’est une belle histoire d’amour et ça se passe dans l’espace. À lire absolument !


En vacances, bis

Je ne crois pas avoir jamais eu un temps aussi pourri pendant des vacances. Depuis mon arrivée en France il y a dix jours, je n’ai pas vu le soleil une seule fois. Et depuis mon arrivée dans le Cantal dimanche dernier, le temps hésite entre vents violents, pluies diluviennes et neige. Oui, de la neige. Nous sommes à 1000 mètres d’altitude et il neige. Le vent m’oblige à mettre des boules quiès le soir pour m’endormir. Alors que j’avais prévu d’aller marcher tous les jours, Sébastien et moi sommes sortis à peine 1 heure dans le vent et la pluie depuis que nous sommes arrivés.

Alors je compense en lisant, en faisant des mots fléchés et bien entendu, en me régalant de la nourriture du coin : truffade, saucisson maison, pain bis à tomber par terre, cantal vieux qui me fait saliver rien que d’y penser et vin bio délicieux acheté à un marchand juste à côté de la maison qui m’a tellement bien conseillé que j’ai bien envie de m’installer sur place définitivement.

Je ne m’ennuie pas, je ne déprime pas non plus de ne pas pouvoir sortir : les vacances, ça reste des vacances, qu’il fasse beau ou pas. Ce qui compte, c’est de ne pas penser au boulot, aux délais à tenir, à tout le quotidien. Je suis heureuse avec des bouquins, des mots fléchés et un lit pour faire la sieste.

D’ailleurs, côté bouquin, j’ai presque fini le livre de Mona Chollet, Beauté Fatale. Je suis épatée par la finesse de l’analyse de cette journaliste du Monde diplomatique, même si je la trouve un peu dure avec la troisième vague féministe des Etats-Unis (en particulier Jessica Valenti). Son bouquin présente très bien la place de la femme dans notre société actuelle.

Elle cite beaucoup le livre de Portia de Rossi, Unbearable lightness. Je ne suis pas fan des romans auto-biographiques en général, mais celui-ci semble vraiment exceptionnel. L’actrice y raconte son combat contre l’anorexie après après rejoint la série à succès Ally McBeal. Comme beaucoup de monde, je pense savoir ce qu’est l’anorexie, mais en fait, je n’ai que des idées reçues. On en parle de temps en temps dans à la télé, les magazines féminins font semblant, une fois par an, de s’offusquer  de la maigreur des mannequins tout en invitant leurs lectrices à maigrir « là où il faut ». On dit que l’anorexie est la maladie d’adolescentes mal dans leurs peaux et qui sont trop influencées par les images de femmes parfaites qu’on leur renvoie sans cesse, en fait, il s’agit d’une maladie bien plus complexe que ça : on ne devient pas anorexique parce qu’on veut être mince, on devient anorexique parce que l’on veut disparaître, parce que le corps des femmes est de plus en plus objectifié, parce que les femmes n’ont pas (plus ?) le droit de prendre de la place.

Naomi Wolf résume très bien la situation dans The Beauty Myth: si l’anorexie touchait les jeunes hommes, dont certains parmi les plus brillants de leur génération, qu’elle tuait entre 5 et 10 % d’entre eux (l’anorexie est la maladie psychique au taux de mortalité le plus élevé), elle serait à la une du Time, plutôt que d’être releguée aux pages mode des magazines…

Beauté fatale parle également de la société de consommation, de la chirurgie esthétique, du mélange hautement toxique du cinéma et de la publicité, des régimes… Je ne l’ai pas encore terminé, mais je le recommande chaudement.