Archives mensuelles : mars 2013

Libération du corps

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Dans deux semaines, je serai sur une plage du Panama à me la couler douce. Je suis contente de dire que le fait de devoir me mettre en maillot de bain, tenue assez peu magnanime s’il en est et d’exhiber ma peau blafarde (pardon, d’albâtre) ne me pose plus autant de problèmes qu’il y a une dizaine d’années. Ce qui ne veut pas dire que je sois entièrement libérée du poids des regards et de la pression qui entoure l’image idéale de la femme, image complètement inatteignable.

La perspective de devoir se mettre en maillot de bain fait vendre des milliers de magazines féminins tous les ans aux alentours du printemps. Si vous les lisez, vous vous rendez rapidement compte que les vacances à la plage ne sont plus un plaisir, mais une véritable épreuve dont peu de femmes sortent indemnes.

Entre les exercices à faire trois mois avant pour raffermir des fesses, faire disparaître le bourrelet de trop, les gommages et les exfoliations pour « préparer au bronzage », l’auto-bronzant pour donner l’illusion qu’on n’a pas vécu dans une grotte pendant 9 mois, les maillots de bain flatteurs selon les silhouettes qu’il faut bien sûr acheter, les paréos, les sacs, les lunettes de soleil, les chapeaux, les huiles pour les cheveux indispensables pour toute femme qui se respecte, ces deux pauvres semaines de vacances se transforment en quête de perfection et en un allègement certain du porte-monnaie. N’oublions pas qu’il s’agit de vacances, le moment de l’année où on est censé se relaxer, oublier le train-train quotidien, mettre les doigts de pied en éventail et siffler des cocktails à 14h00 de l’après-midi, à l’ombre d’un parasol.

Mais rien n’est simple pour une femme. Il ne s’agit pas simplement de profiter du soleil et de la mer : il faut le faire avec un corps parfait, sans aucun poil, avec des cheveux bien nourris, une peau scintillante et une pédicure parfaite. Si vous ne répondez pas à ces critères, vous n’êtes pas une femme et vous vous soumettez au jugement des autres. Enfin, c’est ce qu’on veut nous faire croire. Ça m’a pris plusieurs années, je l’avoue, mais aujourd’hui je me fous bien de savoir si ma voisine de serviette est épilée, je me contrefous qu’elle soit ridée, que ses seins tombent ou que son ventre soit flasque. Je me fous même du moule-burnes de mon voisin de plage, de son ventre Heineken ou de ses trois poils sur le caillou. Leurs silhouettes « hors normes » (entendez, normales) ne m’agressent pas. Tant qu’eux ou leur progéniture ne hurlent pas dans mes oreilles, ils peuvent exhiber tout le gras et tous les poils qu’ils veulent, je m’en tape.

De la même façon, je me fous que mes pieds soient dans un sale état à cause du roller derby. Je me fous d’avoir des bleus aux cuisses, aux tibias, des rougeurs sur des jambes d’un blanc quasi fluorescent. Je refuse de complexer parce que je ne me suis pas épilée le maillot ou que j’ai du ventre et je ne m’affamerai pas pour avoir un « corps prêt pour le bikini ». Mon corps est prêt pour le bikini à partir du moment où j’en enfile un, de bikini.

Je ne dis pas que je ne vais pas me regarder dans la glace en soupirant quand je serai en maillot de bain, ni que je n’aurais pas envie de cacher mes pieds dans le sable. Je vais même sûrement un peu obséder sur ma cellulite. Ce n’est pas facile de se libérer de cette idée de corps lisse et jeune, quand il s’agit de la seule référence acceptée. Mais je sais que la seule chose qui m’inquiète réellement à l’approche de ces vacances, ce sont les coups de soleil et les piqûres de moustiques. Tout le reste est accessoire.